Captaine Moignon
C’était un type comme tous les autres. Il aurait pu être n’importe qui. Dans une foule, rien ne le distinguait des autres. Sauf peut-être la relation qu’il entretenait avec autrui. Que ce soit en amour ou dans sa vie sociale, c’était souvent une relation à sens unique.
Sa vie sentimentale était aussi fleurie qu’un jardin en hiver. Mais cela n’avait pas grande importance à ses yeux, car pour lui, se sentir vivant, c’était aider les autres. Toute son existence tournait autour de cela : aider les autres, aider son futur. Il est vrai qu’il n’était pas reconnu pour cela, mais il passait son temps à subvenir aux besoins des autres. Pour lui, c’était ça, « vivre » ; ainsi, il oubliait sa misérable et pathétique vie, tout en se convainquant de l’importance de son existence.
Une nuit, dans une ville quelconque, alors que la pluie tombait à torrents, il rentrait chez lui après avoir accompli ses devoirs de citoyen. C’est là qu’il eut un accident. (On raconte qu’on n’a jamais vu d’accident plus « bête ».) Après de longues journées passées à l’hôpital, il rentra chez lui, avec un esprit aussi diminué que son corps. En effet, après l’accident, il perdit ses deux mains.
Ce fut un choc immense, mais les médecins n’avaient pas le choix : c’était ses mains ou sa vie.
Dans sa tête, tout avait changé.
« J’ai passé ma vie à aider mon prochain, et voilà comment l’on me récompense ? Avant, j’étais quelqu’un de gentil. Maintenant, c’est fini… BAISSE LES GENS !!! »
Voilà ce qu’il pensait à présent. Les heures, les jours, les semaines passèrent, et lui restait enfermé chez lui à se lamenter sur son sort. Mais c’est au moment où il se dit qu’il devait changer et passer à autre chose qu’il découvrit en lui d’incroyables dons.
En effet, en échange de ses mains, il reçut des facultés dignes des super-héros de notre enfance : une force surhumaine, une célérité proche de celle de la lumière, une résistance physique hors norme, une agilité impressionnante dans les airs, etc. (Et bien d’autres pouvoirs encore, mais personne ne connaît réellement l’étendue de ses capacités.)
Égoïstement, il pensa que c’était le minimum après ce qu’il avait subi. Et, pour la première fois, on vit dans ses yeux une lueur étrange.
À présent, il était un homme nouveau, avec un mental nouveau… mais chaotique.
Chaotique, car, d’une part, il avait envie d’aider les autres comme avant, respectant cette divine mission qu’il s’était donnée. Mais d’autre part, il pensait s’être affranchi de cette mission et que désormais, il devait profiter de ses dons pour changer son insignifiante vie. Tout cela se chamboulait dans son esprit : deux entités complètement opposées se disputaient la place de maître en lui.
Mettre ses dons au service des autres ou se servir lui-même après toutes ces années de sacrifices ?
Bizarrement, jamais il n’avait envisagé de faire les deux en trouvant un juste équilibre. Pourtant, après mûre réflexion sur lui-même, il décida de mettre ses dons au service des autres. Car, au plus profond de lui, il restait quelqu’un de bien, et faire le mal n’était pas dans sa nature.